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LE CORPS PARLANT

Xe Congrès de l’ AMP,

Rio de Janeiro 2016

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boursouflure narcissique, qui est caractéristique de l’espèce, procède de ce défaut

d’identification subjective au corps. C’est spécialement dans l’hystérie que le

défaut d’identification corporelle a été mis en évidence. »

p. 13

Ni imaginaire, ni symbolique, mais vivant, voilà le corps qui est affecté de la

jouissance.

« Le corps vivant, qu’est-ce à dire ? Cela dit qu’il ne s’agit pas seulement du

corps imaginaire, du corps sous la forme de sa forme. Il ne s’agit pas du corps

image, de celui que nous connaissons, auquel nous nous référons parce qu’il est

opératoire dans le stade du miroir, ce corps spéculaire qui double l’organisme.

Il ne s’agit pas non plus du corps symbolique, celui qui à plusieurs reprises fait

venir sous la plume de Lacan la métaphore du blason. Les armoiries sont un

code. Des parties du corps peuvent certes y être représentées, d’ailleurs avec

d’autres éléments naturels, mais elles ont valeur de signifiants. Ce sont des

signifiants imaginaires, des signifiants dont la matière est empruntée à l’image.

Lorsque nous disons « le corps vivant », nous écartons ce corps symbolisé

comme aussi bien le corps image. Ni imaginaire, ni symbolique, mais vivant,

voilà le corps qui est affecté de la jouissance. Rien ne fait obstacle à ce que l’on

situe la jouissance comme un affect du corps. »

La question est de donner son sens à cet adjectif de vivant et aussi bien de saisir

par quel biais, de quelle incidence l’affect de jouissance advient au corps. »

p. 17

« Pour autant que la jouissance passe par le corps, la définition du symptôme

comme événement de corps est inévitable. »

« On admet que symptôme est jouissance, satisfaction substitutive d’une

pulsion, comme dit Freud – son caractère substitutif n’enlève rien à son caractère

authentique, réel, puisque la satisfaction substitutive n’est pas une satisfaction

moindre. Pour autant que le symptôme constitue une jouissance au sens de

satisfaction d’une pulsion, et pour autant que la jouissance passe par le corps,

qu’elle est impensable sans le corps, le corps comme forme ou plutôt comme

modalité, comme mode de la vie, la définition du symptôme comme événement

de corps est inévitable. »

p. 24

Le secret de la libido freudienne

« Pour cet anté-Lacan, on trouve dans ce décalage initial le secret de la libido.

Comme il s’exprime, nul besoin de chercher plus loin la source de l’énergie

libidinale, nul doute qu’elle ne provienne de la passion narcissique. Ce que

Freud nous laisse comme guide du moi, comme réservoir de la libido, Lacan

en rend compte par l’insertion, dans le morcellement initial de l’organisme, de

l’image totalisante du corps qui promeut l’image au centre de la vie psychique

du corps vivant de l’espèce humaine. C’est là qu’il trouve, avant d’être

structuraliste, le secret, la source de la libido freudienne. Il la trouve dans la

discorde, dans la discordance, dans la déhiscence. Cette libido narcissique est

une libido qui est vitale, positive, qui tire en avant le développement, qui est la

forme anticipée de la synthèse du corps, mais qui est en même temps agressive à

l’endroit de l’image. La démonstration que Lacan accomplit au sujet de ce stade

du miroir, c’est une libido qui inclut à la fois les valeurs de vie et de mort qui se

trouvent scindées chez Freud. Rapporter la libido à ce clivage, c’est conjoindre

les valeurs de vie et les valeurs de mort. »

p. 27

Des corps malades de la vérité

« L’exception dans le règne de la vie, ce sont les corps habités par le langage, qui

font vraiment tache dans l’animé, les corps de l’espèce humaine. C’est la honte

de la création parce que ce sont des corps malades de la vérité. Ils sont malades

parce que la vérité embrouille. La vérité variable, la vérité qui parle, la vérité

qui change, embrouille le rapport du corps avec le monde et avec le pur réel.

L’homme, les exemplaires de l’espèce humaine ne retrouvent un rapport net et

certain avec le réel que par le biais d’un autre savoir que le savoir du corps, et

qui est le savoir de la science. C’est seulement à devenir sujet de la science qu’il

parvient à ne pas se laisser embrouiller par la vérité et par son corps malade de la

vérité. »

p. 40

Refus du corps

« En quoi le corps est-il malade de la vérité dans l’espèce humaine ? La

psychanalyse a commencé par là, par s’intéresser à ces corps-là, aux corps qui

cessent d’obéir au savoir qui est en lui, qui cesse d’obéir au savoir que l’on peut

dire naturel. En effet, le corps est savoir et il obéit. C’est ce que François Jacob

appelle très bien «les algorithmes du vivant». L’idée ou le songe de l’âme traduit

le fait que le corps se présente comme Un et qu’il obéit. C’est pourquoi Lacan

a pu imaginer formuler que l’âme était du côté du manche. C’est l’équivalent

d’un signifiant-maître. La psychanalyse a pu commencer parce qu’elle s’est

souciée précisément de l’hystérie, et ce qui caractérise l’hystérie est que l’on y

rencontre le corps malade de la vérité. Freud l’a exprimé dans les termes du

refoulement et du retour du refoulé. Le corps hystérique est celui qui refuse le

diktat du signifiant-maître, le corps qui affiche son propre morcellement et qui

en quelque façon se sépare des algorithmes, du savoir inscrit dans sa substance.

C’est le phénomène que Freud appelait curieusement complaisance somatique

et que Lacan, dans sa perspective, nomme «refus du corps». C’est un double

refus dont il s’agit là dans le corps hystérique, par le corps hystérique. Cela veut

Jacques-Alain Miller