LE CORPS PARLANT
Xe Congrès de l’ AMP,
Rio de Janeiro 2016
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scandale du christianisme qui nous fait don, pour que nous l’adorions, d’une
représentation du corps mutilé, du corps en souffrance, là où les Grecs nous
offraient la représentation d’un corps parfait et serein, sans castration. Comme si
le christianisme nous faisait adorer quelque chose de la castration. »
p. 101
Sur le chemin de l’art a surgi le désir de tuer l’image du corps
« Dans l’histoire de l’art nous avons même connu le moment de l’anorexie
imaginaire. Sur le chemin de l’art, a surgi le désir de tuer l’image du corps, et
même celui de tuer toutes les images, de produire des images dépourvues de
sens, de déconnecter le sens et l’image, alors qu’ils avaient toujours été liés. »
p. 101
Nous pâtissons d’une absorption intense d’images de corps
« Et si on admettait qu’il y a un moment d’anorexie imaginaire dans l’histoire de
l’art, pourquoi ne pas admettre qu’il y a aussi un autre moment dans lequel nous
sommes, dominé par une certaine boulimie imaginaire ? Nous pâtissons d’une
absorption intense, accélérée d’images. D’images de corps. »
p. 101
« Les six paradigmes de la jouissance », l’orientation lacanienne III,
1 : « L’expérience du réel dans la cure analytique » (leçons des 24, 31
mars et 7 avril 1999), La Cause freudienne N° 43, 1999
L’imaginarisation de la jouissance :
Le non-rapport entre l’imaginaire et le symbolique se passe de tout référence
à la jouissance du corps
« Le geste inaugural, libérateur, de Lacan a été accompli sous la bannière du
non-rapport de l’imaginaire et du symbolique. Il a dégagé de façon inoubliable
l’ordre symbolique dans son autonomie et a enseigné aux analystes qu’il y avait
quelque chose comme la logique, se passant de toute référence à la jouissance du
corps, pour établir ses lois, pour répondre à des principes et pour conditionner
aussi bien ce que tout un chacun peut dire. Ce mot d’ordre de la pureté du
symbolique ne veut dire qu’une seule chose : son non-rapport avec l’imaginaire
comme lieu de ce qui, chez Freud, s’appelle la libido. »
p. 7-10
La signifiantisation de la jouissance :
Le fantasme le corps vivant par l’insertion de petit a
« La jouissance n’est pour une part rien d’autre que le désir, qui est en même
temps désir mort. Ce qui fait d’autant plus le devoir du second terme où Lacan
inscrit la jouissance, à savoir le fantasme qui contracte tout ce que la jouissance
comporte de vie. Ce fantasme comporte la vie, le corps vivant par l’insertion de
petit
a
comme image incluse dans une structure signifiante, image de jouissance
captée dans le symbolique. »
La jouissance normale :
L’inconscient structuré comme l’appareil du corps, comme une zone
érogène avec un bord qui s’ouvre et qui se ferme
« Dans le Séminaire XI, on commence par le corps fragmenté des pulsions
partielles, par les zones érogènes qui sont autonomes et qui ne pensent qu’à leur
bien chacune, et puis, au contraire, s’il y a une intégration, elle se réalise grâce à
la jouissance pulsionnelle qui est une jouissance automatique atteinte en suivant
le chemin normal de la pulsion, son aller et retour, et sans transgression. »
« Il (Lacan) a structuré l’inconscient de la même façon que quelque chose dans
l’appareil du corps, de la même façon qu’une zone érogène, comme un bord qui
s’ouvre et qui se ferme. Il modèle là la jouissance sur le sujet lui-même. »
Le corps dans la logique des opérations d’aliénation et de séparation
« L’opération de l’aliénation ne nous délivre qu’un sujet du signifiant, réduit à un
manque de signifiant, c’est-à-dire qui n’a pas d’autre substance que l’ensemble
vide. On peut chercher à tâtons où se trouve là une substance qui serait
susceptible de jouir, on n’en trouve aucune. Pour pouvoir présenter l’opération
de la séparation et l’introduction d’un objet petit
a
comme venant répondre au
manque de signifiant, il faut discrètement substituer au sujet le corps vivant, le
corps sexué. Il faut encore introduire les propriétés du corps sexué, en particulier
sa mortalité, son rapport à l’Autre sexe, son individualité, et par là même ce qui
est traduit par Lacan sous les espèces d’une perte de vie que comporte comme
elle l’existence du corps du sujet. On peut alors introduire les objets de la
pulsion comme réparant, comblant cette perte de vie.»
p. 14-18
La jouissance discursive :
Le point d’insertion de l’appareil signifiant, c’est la jouissance
« Nous avons ici une détermination de ce qu’est l’être préalable à la mise en
marche du système signifiant, et sous la forme la plus précise. L’être préalable est
un être de jouissance, c’est-à-dire un corps affecté de jouissance. C’est pourquoi
Lacan dit en toutes lettres dans son Séminaire de
L’envers
que le point d’insertion
de l’appareil signifiant, c’est la jouissance. Ce point d’insertion n’était jamais
mentionné comme tel jusqu’alors et obligeait à une subreptice substitution du
corps au sujet, parce que nous avions avant un fonctionnement en quelque sorte
autonome, fermé sur soi-même, de l’ordre symbolique. »
Jacques-Alain Miller




