LE CORPS PARLANT
Xe Congrès de l’ AMP,
Rio de Janeiro 2016
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4.
Excursus philosophique
sur le corps
Aristote
Aristote,
De l’âme
, (IVe s. av. J-C.) Trad.: J. Tricot, 1953
L’âme, quelque chose du corps
« l’âme ne peut être ni sans un corps, ni un corps : car elle n’est pas un corps,
mais quelque chose du corps. »
p. 79
Descartes
Descartes,
Méditations métaphysiques
(1641), « Méditation sixième »,
Flammarion, 1979
Ce corps que je considérais comme une partie de moi-même, ou peut-être
aussi comme le tout
« Premièrement donc j’ai senti que j’avais une tête, des mains, des pieds, et tous
les autres membres dont est composé ce corps que je considérais comme une
partie de moi-même, ou peut-être aussi comme le tout. De plus j’ai senti que
ce corps était placé entre beaucoup d’autres, desquels il était capable de recevoir
diverses commodités et incommodités, et je remarquais ces commodités par un
certain sentiment de plaisir ou volupté, et les incommodités par un sentiment
de douleur. Et outre ce plaisir et cette douleur, je ressentais aussi en moi la faim,
la soif, et d’autres semblables appétits, comme aussi de certaines inclinations
corporelles vers la joie, la tristesse, la colère, et autres semblables passions. »
p. 169
Je croyais que ce corps m’appartenait plus proprement et plus étroitement
que pas un autre.
« Ce n’était pas aussi sans quelque raison que je croyais que ce corps (lequel
par un certain droit particulier j’appelais mien) m’appartenait plus proprement
Excursus philosophique sur le corps
et plus étroitement que pas un autre. Car en effet je n’en pouvais être séparé
comme des autres corps ; je ressentais en lui et pour lui tous mes appétits et
toutes mes affections ; et enfin j’étais touché des sentiments de plaisir et de
douleur en ses parties, et non pas en celles des autres corps qui en sont séparés. »
p. 171
Je ne suis pas seulement logé dans mon corps mais, outre cela, que je
compose comme un seul tout avec lui.
« Il n’y a rien que la nature m’enseigne plus expressément, ni plus sensiblement,
sinon que j’ai un corps qui est mal disposé quand je sens de la douleur, qui a
besoin de manger ou de boire, quand j’ai les sentiments de la faim ou de la soif,
etc. Et partant je ne dois aucunement douter qu’il n’y ait en cela quelque vérité.
La nature m’enseigne aussi par ces sentiments de douleur, de faim, de soif, etc.,
que je ne suis pas seulement logé dans mon corps, ainsi qu’un pilote en son
navire, mais, outre cela, que je lui suis conjoint très étroitement et tellement
confondu et mêlé, que je compose comme un seul tout avec lui. Car, si cela
n’était, lorsque mon corps est blessé, je ne sentirais pas pour cela de la douleur,
moi qui ne suis qu’une chose qui pense, mais j’apercevrais cette blessure par
le seul entendement, comme un pilote aperçoit par la vue si quelque chose se
rompt dans son vaisseau ; et lorsque mon corps a besoin de boire ou de manger,
je connaîtrais simplement cela même, sans être averti par des sentiments
confus de faim et de soif. Car en effet tous ces sentiments de faim, de soif, de
douleur, etc., ne sont autre chose que de certaines façons confuses de penser, qui
proviennent et dépendent de l’union et comme du mélange de l’esprit avec le
corps. »
p. 179-181
Pascal
Pensées
(1670), Editions GF Flammarion, texte établi par Léon
Brunschvicg, 1976
Le moi, ni dans le corps, ni dans l’âme
« Qu’est-ce que le
moi
? (…) Où est donc ce moi, s’il n’est ni dans le corps, ni
dans l’âme ? et comment aimer le corps ou l’âme, sinon pour ses qualités, qui ne
sont point ce qui fait le moi, puisqu’elles sont périssables ? »
p. 323
p. 141




