LE CORPS PARLANT
Xe Congrès de l’ AMP,
Rio de Janeiro 2016
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I /a.2 Le corps du fantasme (sujet du signifiant
complété d’un élément corporel)(1958-1961)
Le Séminaire
, livre VI,
Le désir et son interprétation
(1958 - 1959).
Paris, Seuil, 2014
Le sujet, barré, trouve son support dans l’autre et cet autre est l’image du
corps propre
« Le sujet en tant qu’il est barré, annulé, aboli, par l’action du signifiant, trouve
son support dans l’autre, qui est ce qui, pour le sujet qui parle, définit l’objet
comme tel. Cet autre, objet prévalent de l’érotisme humain, nous essayerons de
l’identifier. (…) Cet autre est l’image du corps propre, au sens large que nous lui
donnerons. En l’occasion, c’est là, dans ce fantasme humain, qui est fantasme du
sujet, et qui n’est plus qu’une ombre, c’est là que le sujet maintient son existence,
maintient le voile qui fait qu’il peut continuer d’être un sujet qui parle. »
p. 119
Impasse du rapport du sujet à l’objet
« Pour autant que, comme désir, c’est-à-dire dans la plénitude d’un destin
humain qui est celui d’un sujet parlant, il approche cet objet, le sujet se trouve
pris dans une sorte d’impasse. Cet objet, comme objet, il ne saurait l’atteindre
qu’à se trouver lui-même, comme sujet de la parole, effacé dans cette élision qui
le laisse dans la nuit du traumatisme, dans ce qui est, à proprement parler, au-
delà de l’angoisse même. Ou alors, il se trouve devoir prendre la place de l’objet,
se substituer à lui, se subsumer sous un certain signifiant. Lequel ? (…) c’est le
phallus. »
p. 146
Le Séminaire
, Livre VII,
L’éthique de la psychanalyse
(1959 - 1960).
Paris, Seuil, 1986
L’interdit de la représentation
« Il n’en reste pas moins que le deuxième commandement, celui qui exclut
formellement non seulement tout culte, mais toute image, toute représentation
de ce qui est dans le ciel, sur la terre et dans l’abîme, me semble montrer que ce
dont il s’agit est dans un rapport tout à fait particulier avec l’affection humaine
dans son ensemble. Pour tout dire, l’élimination de la fonction imaginaire s’offre
à mes yeux, et, je le pense, aux vôtres aussi, comme le principe de la relation au
symbolique, au sens où nous l’entendons ici, c’est-à-dire, pour tout dire, à la
parole. »
p. 98
Le phallus remis définitivement à sa place
« Il n’y a plus, d’aucune façon, à rechercher le phallus, ni l’anneau anal, sous la
voûte étoilée - ils en sont définitivement expulsés. (…) Il y a eu longtemps une
âme du monde, et la pensée a pu se bercer de quelque rapport profond de nos
images avec le monde qui nous entoure. C’est un point dont on n’a pas l’air
d’apercevoir l’importance, que l’investigation freudienne a fait rentrer en nous
tout le monde, l’a remis définitivement à sa place, à savoir dans notre corps, et
pas ailleurs. »
p. 111
La sublimation élève un objet à la dignité de la Chose
« Nous avons pour nous guider la théorie freudienne des fondements
narcissiques de l’objet, de son insertion dans le registre imaginaire. L’objet –
pour autant qu’il spécifie les directions, les points d’attrait de l’homme dans son
ouvert, dans son monde, (…), - précisément, n’est pas la Chose, pour autant
qu’elle est au cœur de l’économie libidinale. Et la formule la plus générale que je
vous donne de la sublimation est celle-ci – elle élève un objet (…) à la dignité de
la Chose. »
p. 133
Sade : le corps morcelé et indestructible de la victime
« Quand on avance dans la direction de ce vide central, en tant que c’est jusqu’à
présent sous cette forme que se présente à nous l’accès à la jouissance, le corps du
prochain se morcelle. Doctrinant la loi de la jouissance comme pouvant fonder
je ne sais quel système de société idéalement utopique, Sade s’exprime ainsi -
Prêtez-moi la partie de votre corps qui peut me satisfaire un instant, et jouissez,
si cela vous plaît, de celle du mien qui peut vous être agréable. »
p. 237
« Le second terme que Sade nous enseigne, c’est de ce qui apparaît dans le
fantasme comme le caractère indestructible de l’Autre, pour autant qu’il surgit
dans la figure de la victime. »
p. 238
La beauté d’Antigone
« Antigone nous fait voir en effet le point de visée qui définit le désir. Cette visée
va vers une image qui détient je ne sais quel mystère jusqu’ici inarticulable. (…)
Qu’est-ce qui fait le pouvoir dissipant de cette image centrale, par rapport à
toutes les autres, qui semblent tout d’un coup se rabattre sur elle, et s’évanouir?
Cela tient à la beauté d’Antigone (…) et à la place qu’elle occupe, dans l’entre-
deux de deux champs symboliquement différenciés. C’est sans doute de cette
place qu’elle tire son éclat - cet éclat que tous ceux qui ont parlé dignement de la
beauté n’ont jamais pu éliminer de leur définition. »
p. 290
Jacques Lacan




